Littérature Afro ⭐
Nom d’une pipe !!!
Bienvenue, moi je suis Innocent, lui il est Simplice et je te présente Vendredi.
Non, je ne suis pas en train de souhaiter la bienvenue et il n’y a pas de raison que j’attende un jour particulier de la semaine avant de présenter qui que ce soit à quiconque; je ne suis pas non plus en train de me dédouaner de quelque méfait … j’essaye tout simplement d’illustrer les situations cocasses qu’il peut nous arriver de vivre, à cause de certains accidents de l’histoire.
Justement, en matière de prénoms, notre histoire coloniale serait tout simplement hilarante si elle n’était pas si tragique. Janvier, Jeanne d’Arc, Fête-Nat, etc., l’administration coloniale a dû s’en donner à cœur joie en affublant les autochtones africains des prénoms les plus saugrenus, tirés au sort à partir du calendrier grégorien.
Et je n’exagère pas lorsque l’on sait à quel point le nom ou prénom d’une personne, est le tout premier élément qui l’humanise et lui confère une identité en tant qu’être humain. Était-ce pour cette administration l’occasion de ridiculiser ces indigènes ? Les couper de leur culture ? Désacraliser leurs us et coutumes ? La pratique a tellement bien fonctionné que de nombreux africains l’ont récupérée et se sont offert en guise de prénom, des patronymes occidentaux accolés à leur nom africain pur jus ; ainsi a-t-on vu naître en une période pré-indépendance, des DeGaulle Bimvondo, des Baudouins Eyadema, des Louis de Gonzagues Ouattara, ainsi que tous les saints du panthéon catholique.
Pour les laudateurs qui croyaient ainsi obtenir des privilèges de la part de l’administrateur de l’époque, comme pour les naïfs qui souhaitaient marquer les jalons de l’existence de leur progéniture, l’accumulation des noms n’était pas une nouveauté (hormis la consonnance), car il était de tradition d’adopter un nouveau nom traduisant grandeur, pouvoir, ou élévation du statut social.
Nomen est omen ~ le nom est présage
À la fois vestige de l’ère coloniale et preuve d’évolution et de modernité, l’assimilation par le nom a tellement bien fonctionné que des africains eux-mêmes se sont livrés à la chasse aux prénoms occidentaux. Une fois les prénoms français écumés, les prénoms slaves n’ayant pas eu une forte côte, les africains se sont engouffrés dans la banque des prénoms anglo saxons ; grâce aux séries américaines, ou aux magazines people, des noms à consonance exotique pour les afro-descendants que nous sommes, se sont inscrits dans nos fiches d’état civil et actes de naissance. Et puisque le nom est présage, nous souhaitons autant de succès, sinon plus, aux nouveaux Ushers, Enzo, Madonnas, Fallons, Beyonces, Sharons, africains que nous avons accueillis ces dernières années.
Dans nos sociétés africaines, le prénom n’est plus porteur de sens et il ne semble plus y avoir du sacré dans l’acte de prénommer. Les noms de nos enfants qui étaient tout d’abord liés au divin, tant leur charge vibratoire pouvait influer sur le cours de leur vie, sont désormais tributaires de la créativité des Kardashians-West, Joli-Pitt ou Pinckett-Smith.
Au Burundi, il est courant d’entendre :’’Izina ni ryo muntu’’ (le nom c’est l’homme), car le nom matérialise également l’humain.
Dans notre Afrique ancestrale, la façon de nommer pouvait et peut toujours être classée en deux catégories : les noms donnés et les noms reçus.
Dans la catégorie des noms reçus, car dépendants d’une donnée extérieure, on peut baptiser le nouveau-né du nom d’une autre personne, décédée ou vivante ; on peut également le baptiser en référence à une « circonstance » de la naissance (par exemple noms spéciaux pour les jumeaux, ou nom selon la naissance en un jour particulier de la semaine, ou encore nom selon la façon dont on s’est présenté au monde).
En revanche, au rang des noms donnés, «la liberté du donneur de nom est plus grande : il compose le nom sous la forme d’un message, exprimant ce qu’il a dans le cœur ou sur le cœur, en l’adressant à divers destinataires possibles ». Ces noms, selon Dr. Kokou Benjamin Akotia, peuvent provenir du monde invisible et être perçus comme des messages de l’au-delà pour les vivants. Alors pouvons-nous être à l’écoute de nos ancêtres et faire revivre de grands noms ? Pokou, Asantewa, Edem, Koffi, Madeka, Nandi, Asante, Diapité, Dipita, Molefi, Akiba, Konan, Ayodeji…A vous de choisir.
Elykiah Doumbe
Shifteuse de paradigme 😉